‘Peak Oil’ : rapport cinglant de l’armée allemande révélé par Der Spiegel (2 sept 2010 le monde.fr)

Publié le par evergreenstate

Une étude de la Bundeswehr évoque une menace pour la pérennité de la démocratie et de l’économique mondiale ! Mise en garde terrible, qui vient après celles du Pentagone et du département de l’énergie à Washington, de la Lloyd’s et de Chatham House à Londres…

Des analystes de l’armée allemande décrivent les conséquences dévastatrices d’un choc pétrolier permanent induit par un déclin des sources principales d’or noir, déclin dont ils jugent l’imminence plausible, selon un rapport révélé par le site de l’hebdomadaire allemand Der Spiegel le 31 août (version en anglais).

Le département d’analyse du futur, une division du centre pour la transformation de la Bundeswehr, avertit qu’il existe « une certaine probabilité pour que le Peak Oil se produise aux alentours de l’année 2010, et qu’il ait des conséquences sur la sécurité dans un délai de 15 à 30 ans ».

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[L’expression ‘peak oil’, ou ‘pic pétrolier‘ désigne le moment historique incertain (et cependant proche, dirait-on) à partir duquel les extractions de pétrole deviendraient incapables de satisfaire entièrement la demande mondiale, faute de réserves suffisantes de pétrole conventionnel encore exploitables.]

[Après les départements de la défense et de l’énergie américains, après la Lloyd’s et Chatham Houseen Grande-Bretagne, l’armée allemande vient s’ajouter à la liste des institutions majeures qui ont manifesté en 2010 leur inquiétude à l’égard d’une possible imminence du peak oil. D’après Washington, des bouleversements radicaux pourraient intervenir très rapidement. Selon les documents du département de l’énergie et du Pentagone mis au jour sur ce blog, il est possible que dès 2015, il manque l’équivalent de la production de l’Arabie Saoudite pour faire face à la demande de l’économie mondiale.]

Le rapport de la Bundeswehr souligne à plusieurs reprises qu’une flambée du prix du brut provoquée par une insuffisance chronique des extractions mondiales aurait des conséquences gigantesques sur l’économie et la politique. « A moyen terme, le système économique global et chaque économie de marché nationale pourraient s’effondrer », écrivent les analystes. « Des pénuries de biens vitaux », notamment de nourriture, pourraient apparaître, ajoutent-ils. Le pétrole intervient directement ou indirectement dans la production « de 95 % des biens industriels », rappelle Der Spiegel.

D’après les chercheurs militaires allemands, dirigés par le lieutenant-colonel Thomas Will, une « alternative envisageable » à une telle « défaillance partielle ou complète des marchés » serait la mise en place « d’une politique de rationnement ».

Der Spiegel note que l’étude de la Bundeswehr « s’inquiète pour la survie de la démocratie elle-même ». L’hebdomadaire allemand de référence analyse, en citant le rapport :

« Des parties de la population pourraient percevoir le bouleversement déclenché par le peak oil “comme une crise systémique générale”. Cela créerait “de la place pour des alternatives idéologiques et extrémistes aux formes existantes de gouvernement”. Un fractionnement de la population affectée est jugé probable et pourrait conduire “dans des cas extrêmes à des conflits ouverts”. »

Les auteurs du rapport estiment que « les Etats qui dépendent des importations de pétrole » seront obligés « de montrer plus de pragmatisme à l’égard des pays producteurs ». Par exemple, l’Allemagne pourrait devoir assouplir son attitude à l’égard de la Russie, et être au contraire plus exigeante vis-à-vis d’Israël, afin de ménager les pays pétroliers arabes.

Ni le ministère de la défense allemand, ni le lieutenant-colonel Will n’ont souhaité répondre aux questions du Spiegel, précise l’hebdomadaire.

[La révélation de ce rapport de la Bundeswehr pourrait marquer un tournant majeur dans l’évolution du débat sur le peak oil, qui passe toujours sous le radar de l’opinion publique.

Le problème est pourtant posé depuis 1998 par quelques hommes du sérail, tels que l’Irlandais Colin Campbell et le Français Jean Laherrère, des ingénieurs et géologues pétroliers de très haute réputation. Cependant jusqu’à aujourd’hui, aucune source institutionnelle suffisamment proéminente n’a osé en assumer ouvertement les implications vertigineuses.

L’évolution des diagnostics affichés (ou dissimulés, en l’occurrence) par l’Agence internationale de l’énergie est, hélas, éclairante.

L’enjeu, c’est la capacité de nos institutions à faire face à un problème plus grand qu’elles et plus fort que nos moyens techniques : en un mot, tellurique.]

 

Commentaires
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  2. “L’expression ‘peak oil’, ou ‘pic pétrolier‘ désigne le moment historique incertain (et cependant proche, dirait-on) à partir duquel les extractions de pétrole deviendraient incapables de satisfaire entièrement la demande mondiale, faute de réserves suffisantes de pétrole conventionnel encore exploitables.”

    Pas vraiment, le pic pétrolier désigne simplement le moment ou la production de pétrole, le flux de baril, commence à décroitre sans pouvoir remonter quelque soit la demande.

    Merci pour ce commentaire qui me permet de préciser un point important et délicat :

    Je suis évidemment d’accord avec votre définition disons “classique” et littérale du peak oil. Cependant, je lui préfère désormais un type de définition plus “large” de la problématique que recouvre l’expression “peak oil”, car cela me semble correspondre mieux aux pronostics actuels. Depuis plusieurs annéesdéjà, les défenseurs de la thèse du peak oil, à commencer par Campbell et Laherrère, tablent non plus sur un pic de production unique suivi d’un déclin immédiat, mais plutôt sur un scénario dit de “plateau ondulant”, dans lequel le maximum de la production pétrolière est plus ou moins maintenu pendant un certain temps, tout en décrochant de la demande qui elle, continue à augmenter : on aurait une crise de l’offre sans pour autant avoir nécessairement de déclin immédiat après un “pic”. C’est pour ça que j’ai simplement choisi d’écrire “les extractions deviendraient incapables de satisfaire entièrement la demande mondiale”.

    Peut-être devrait-on d’ailleurs maintenant parler de “pic ou plateau pétrolier” plutôt que de “pic” tout seul ? Mais disons que pour l’instant l’expression générique “peak oil” reste plus… commode, quoiqu’un peu imprécise désormais. Ce qui compte, c’est que derrière cette expression, on rassemble les différentes versions d’un pronostic aux conséquences fondamentalement similaires : celui d’une crise grave et durable de l’offre sur le marché pétrolier, que cette crise soit provoquée par un déclin des extractions, ou par un décrochage entre une offre plus ou moins stagnante et une demande qui continuerait de croître. A mon sens, les implications restent essentiellement les mêmes, avec des degrés d’acuité différents.

    Matthieu Auzanneau

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