Pour Louis Chauvel, un mauvais départ dans la vie active handicape pour toujours (archive)

Publié le par evergreenstate

Pour Louis Chauvel, un mauvais départ dans la vie active handicape pour toujours
LEMONDE.FR | 06.05.09 | 20h46  •  Mis à jour le 07.05.09 | 10h37

our le sociologue Louis Chauvel, professeur à Sciences-Po et auteur du Destin des générations (PUF, 2002) et des Classes moyennes à la dérive (Le Seuil, 2006), les conséquences de la crise économique sur la situation des 18-24 ans "se feront sentir jusqu'en 2025 et au-delà".

 

D'après l'édition 2009 du rapport de l'Insee sur "les revenus et le patrimoine des ménages", 21 % des 18-24 ans vivent avec moins de 880 euros par mois (hors étudiants). Comment expliquez-vous les difficultés rencontrées par ces jeunes adultes ?
 

C'est une génération qui fait face à une grande précarité. Pour cette tranche d'âge, le taux de chômage approche de 25 % depuis des années. La machine économique française s'est habituée à ne pas les rémunérer correctement. Devenus une main-d'œuvre bon marché, ils font face à de vrais problèmes d'intégration. Contrairement à ce qu'on peut observer dans les pays anglo-saxons ou dans le nord de l'Europe, ces jeunes ont difficilement accès à un emploi stabilisateur. Ils partagent le sort de la "génération 600 euros" en Grèce et des mileuristas (ceux qui gagnent 1 000 euros) en Espagne.

Les trentenaires semblent mieux lotis que leur prédécesseurs. Pourquoi ?

Les personnes nées autour de 1975 sont un peu plus favorisées parce qu'elles ont bénéficié d'un meilleur accès aux titres scolaires et d'une légère croissance du pouvoir d'achat. En accédant à l'emploi entre 2003 et 2005, elles ont profité d'une ouverture relative d'un marché du travail avec le départ à la retraite des premiers baby-boomers. Certains observateurs pensaient que les 18-24 ans en bénéficieraient aussi, allant jusqu'à anticiper la fin du chômage des jeunes à l'horizon 2010. Le problème, c'est que l'embellie n'a pas fait le printemps. Depuis 1994, le taux d'accès au bac est bloqué autour de 62 %. L'inflation des diplômes va de pair avec une dévalorisation des titres scolaires. Résultat : les nouvelles générations sont de moins en moins concurrentielles.

Comment cette situation peut-elle évoluer ?

Le rapport montre que les jeunes qui ratent leur entrée dans le monde du travail autour de 24 ans connaissent des difficultés prolongées. On se focalise beaucoup sur les 18-24 ans, mais il ne faut pas oublier les personnes âgées de plus de 45 ans qui ont connu la crise économique et le chômage de longue durée au début des années 1980. Les difficultés d'insertion qu'ils ont rencontrées à l'époque n'ont jamais été totalement dépassées. Ils se retrouvent dans un singulier paradoxe de la société française, qui fait qu'on est jeune de plus en plus vieux, et vieux de plus en plus jeune. Il y a fort à parier que le scénario se reproduise.

Il est intéressant de noter que ces données ont été collectées en 2006. A l'époque, beaucoup d'observateurs tablaient sur une relative amélioration de la situation. Ils s'inscrivaient dans un contexte de légère embellie économique et de baisse tendancielle du chômage des jeunes grâce au départ à la retraite des anciennes générations. Trois ans après, alors que nous faisons face à une crise économique mondiale, force est de contater que ces projections n'ont plus lieu d'être. Ce sont les 18-24 ans qui vont payer le prix fort de la crise. Ses conséquences, pour cette génération, se feront sentir jusqu'en 2025 et au-delà.


Propos recueillis par Elise Barthet

Publié dans educatif

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