L'explosion des niches fiscales : une atteinte à l'équité

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L'explosion des niches fiscales : une atteinte à l'équité
LE MONDE | 05.06.08 | 12h04  •  Mis à jour le 05.06.08 | 12h08

oûteuses pour les finances publiques, mais souvent utilisées pour contourner la rigidité de la procédure budgétaire, les dépenses ou "niches" fiscales portent atteinte à l'équité et ruinent, pour certaines d'entre elles, la progressivité de l'impôt sur le revenu. La mission d'information que le président (PS) de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Didier Migaud, et son rapporteur général, l'UMP Gilles Carrez, ont mis sur pied avec Jean-Pierre Brard (Gauche démocrate et républicaine, Seine-Saint-Denis), Jérôme Cahuzac (PS, Lot-et-Garonne), Charles de Courson (Nouveau Centre, Marne) et Gaël Yanno (UMP, Nouvelle-Calédonie), demande au gouvernement qu'elles soient encadrées et plafonnées.

 

Peut-on parler, aujourd'hui, d'"explosion" des dépenses fiscales ?

Didier Migaud
: Assurément. Le nombre des dépenses ou "niches" fiscales a augmenté très fortement ces dernières années. La mission d'information les chiffre à 486, contre 418 en 2003. En cinq ans, leur coût est passé de 50 milliards d'euros à 73 milliards. Elles représenteront cette année près de 27 % des recettes fiscales nettes de l'Etat. Or, leur efficacité est mal évaluée, ce qui est un problème pour nos finances publiques. Enfin, ces dépenses remettent en cause la progressivité de l'impôt sur le revenu et, parfois, son existence même.

Est-ce vraiment un problème nouveau?

Gilles Carrez : Les niches fiscales ont toujours existé, mais leur coût a beaucoup progressé ces dernières années. Tout se passe comme si la fixation en 2003 d'une norme d'évolution des dépenses budgétaires avait conduit à la multiplication des dépenses fiscales. Or si nous voulons tenir notre engagement de redressement des finances publiques en 2012, il nous faut à la fois maîtriser les dépenses et préserver les recettes. L'accélération de la dépense fiscale constitue, à cet égard, un véritable problème pour le budget. Et le même phénomène se développe pour les recettes sociales.

D. M. : Je serai encore plus direct : tant que l'équilibre des comptes publics n'est pas rétabli, il n'est ni responsable ni raisonnable de baisser les prélèvements obligatoires. Il faut absolument protéger les recettes. Par ailleurs, les questions de justice fiscale et d'efficacité se posent avec encore plus d'acuité en raison de l'existence du bouclier fiscal et de la dégradation de nos comptes publics.

Faut-il encadrer les dépenses fiscales et comment le faire ?

G. C. : Il faut créer une norme de dépense fiscale. Nous attendons du gouvernement qu'il présente, dans le projet de loi de finances pour 2009, un objectif de dépenses fiscales (ODF) pour l'année, et qu'il y inscrive les mesures d'ajustement éventuellement nécessaires. Nous souhaitons également soumettre la création de toute nouvelle niche fiscale à une étude d'impact et en limiter l'application à une durée de trois ans.

Pensez-vous obtenir gain de cause, alors que le chef de l'Etat vient d'annoncer un nouveau crédit d'impôt sur l'intéressement ?

D. M. : Nous espérons bien obtenir du gouvernement une avancée dans la prochaine loi de finances. Le seul fait de soumettre les dépenses fiscales à une norme d'évolution que le Parlement a vocation à voter fera progresser la transparence et nourrira le débat.

Etes-vous favorable à un plafonnement des niches et sous quelle forme ?

G. C. : Le gouvernement propose de plafonner les quatre dispositifs qui ne le sont pas actuellement : l'aide à la réhabilitation des secteurs sauvegardés (le régime Malraux), celle applicable aux monuments historiques, le régime des loueurs en meublé professionnels et les défiscalisations outre-mer. Le plafonnement de ces niches ferait gagner moins d'une centaine de millions d'euros à l'Etat. Ce progrès serait insuffisant pour répondre à la question de l'équité fiscale. Les travaux de la mission l'ont montré : du fait de l'utilisation des réductions et crédits d'impôt, plus un très gros contribuable a des revenus élevés, moins il paie d'impôt en proportion. Les niches fiscales constituent, dans certains cas, une atteinte à l'équité car elles rendent l'impôt en quelque sorte "régressif".

D. M. : Un plafonnement global de ces dépenses s'impose. Il ferait rentrer entre 600 millions et 1milliard dans les caisses de l'Etat. Dans mon esprit, un tel dispositif pourrait constituer un premier pas avant la création d'un impôt alternatif ou minimum. Je reste, toutefois, persuadé que seule une réforme fiscale de grande ampleur peut permettre de rétablir plus de justice.

G. C.
: Je suis très réservé sur l'impôt minimal mais je pense, que comme on l'avait proposé en 2006 en contrepartie de l'introduction du bouclier fiscal, il faut mettre en place un plafonnement global.


Propos recueillis par Claire Guélaud

LES DÉPENSES FISCALES

Il en existe 486, contre 418 en 2003.

Leur coût était de 50 milliards d'euros en 2003 et devrait atteindre 73 milliards cette année. Entre 2007 et 2008, leur progression est évaluée à 7,1 %, ce qui représente un rythme plus de quatre fois supérieur à l'augmentation des dépenses budgétaires.

Pour les 100 000 plus gros contribuables, 4 dispositifs représentent plus de 80 % du montant des niches : la réduction d'impôt pour investissement productif outre-mer et pour le logement outre-mer, celle pour l'emploi d'un salarié à domicile et les crédits d'impôt au titre des conventions internationales évitant les doubles impositions.


Publié dans économie

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