Bisphénol A : des experts reconnaissent l’existence de signaux d’alerte LE MONDE .fr
Les effets de la substance, que l'on retrouve dans les urines de plus de 90 % des Américains, font l'objet d'interrogations dans plusieurs pays. Au Canada, son usage est banni depuis octobre 2008. La Food and Drug Administration américaine a rendu, en janvier, un avis dans lequel elle fait état d'une "préoccupation" sur les effets potentiels du bisphénol sur le fœtus et les jeunes enfants.
"Le bisphénol A est un perturbateur endocrinien, qui a un impact sur tous les systèmes hormonaux, même à faible dose, affirme le toxicologue André Cicollela, président du Réseau environnement santé, qui milite en faveur de son interdiction en France. De très nombreuses études chez l'animal mettent en évidence son impact sur les troubles du comportement, la fertilité, le développement de cancers, le diabète, l'obésité." Une étude, publiée dans la revue Environmental Health Perspectives d'octobre 2009, établit un lien entre l'imprégnation de femmes pendant leur grossesse et une agressivité accrue de leurs fillettes de deux ans. Selon M.Cicollela, les études scientifiques sur lesquelles est fondée la dose journalière tolérable (DJT) actuelle sont "obsolètes", car elles ne tiennent pas compte des risques liés aux faibles doses de BPA. Plusieurs élus de gauche réclament l'interdiction de cette substance.
Pour l'Afssa, les études récentes comportent cependant des biais méthodologiques importants (données trop peu nombreuses, quantité d'animaux insuffisante, absence de groupe témoin, non-prise en compte de l'exposition à d'autres perturbateurs endocriniens via l'alimentation, la litière ou les cages des animaux) qui ne permettent pas de conclure à des effets néfastes sur la santé humaine. L'agence, qui concluait à l'innocuité de la molécule en 2008, remet pour la première fois en cause les méthodes utilisées pour caractériser les risques des perturbateurs endocriniens, qui "pourraient agir à très basse dose, et avoir des effets différents à forte dose et à faible dose". La DJT "n'apparaît pas comme l'approche d'évaluation des risques la mieux adaptée" aux perturbateurs endocriniens, soulignent les experts.
Les scientifiques formulent des recommandations: élaborer une méthodologie pour évaluer les risques des perturbateurs endocriniens; acquérir des données françaises sur la présence de BPA dans le lait maternel, chez le nourrisson et dans les laits maternisés; étudier d'autres sources d'exposition que les matériaux au contact des aliments (eau, poussières).
L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) prépare pour mai un rapport sur le BPA. La ministre française de la santé, Roselyne Bachelot, a affirmé, le 26 janvier, qu'elle prendrait "les mesures de gestion qui conviennent" au vu des nouvelles données scientifiques.