Au USA, l'économie l'emporte toujours sur l'écologie
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Aux USA, l'économie l'emporte toujours sur l'écologie
Bernard Maris - France Inter | Lundi 7 Juin 2010 à 11:16
http://sites.radiofrance.fr/franceinter/chro/lautreeconomie/index.php?id=92408
photo: IBRRC - Flickr - CC
Il faut espérer que la marée noire du golfe du Mexique va changer le comportement des Etats-Unis vis-à-vis de l’écologie.
Beaucoup se souviennent de la phrase mélancolique qu’avait laissé tomber un jour le père Bush : « Sommes nous condamnés à être le peuple le plus gras ? » avait-il dit avec tristesse. Mais Bush fils, george double «u», avait eu lui, à peine arrivé au pouvoir une phrase plus malheureuse : « le niveau de vie des américains n’est pas négociable ». Elle accompagnait le refus du Sénat de signer le protocole de Kyoto. Pas question que les américains réduisent leur niveau de vie fondé largement sur la voiture. Tous les pétroliers autour de George double «u» avaient applaudi, British Petroleum plus vigoureusement que les autres.
Certes, le pétrole est au cœur du niveau de vie américain, fondé sur l’habitat extensif et l’utilisation intensive de la voiture. Mais la catastrophe du golfe du Mexique place en première position le président Obama, qui revient de Louisiane pour la troisième fois, et à qui l’opinion a reproché de ne pas être assez actif. Il faut dire qu’il apparaît au grand jour que la marée noire ne fait que commencer. Déjà elle s’étend sur 320 kilomètres autour de la fuite principale et se divise en milliers de nappes plus petites. Dès lors, au-delà de la pauvre Louisiane c’est la riche Floride qui pourrait faire les frais du mazout. La Floride est le « sunshine state ». L’industrie du tourisme y pèse 57 milliards de dollars. Et les premières boulettes de mazout viennent d’arriver sur la magnifique plage de sable blanc de Pensacola. Quant aux pêcheurs, ils sont concernés désormais par une zone d’interdiction de la taille de la France.
BP va donner quelques sous, il se peut même que ses dirigeants soient fortement punis, qu’ils aillent en prison, qui sait, pour avoir menti, caché la gravité des dégâts causés et sous-estimés le risque des activités de forage en haute mer ainsi que la réalité de leurs moyens d’interventions. Mais dire « BP va payer » laisse entendre que les dégâts sont réparables et qu’il y a une réversibilité du phénomène.
Pour l’économie, tout est réversible : la croissance peut succéder à la dépression, l’emploi au chômage, la baisse des prix à la hausse etc etc. La flèche du temps n’existe pas pour l’économiste.
L’écologiste, lui, au contraire, se situe dans le temps de l’irréversibilité, qui est aussi le temps de l’histoire. Une forêt primaire qui a disparu ou brulé, a bien disparu, même si un jour on la remplace par des eucalyptus. Une espèce qui a disparu a disparu à jamais. L’écologiste est dans la prudence et la stationnarité, l’économiste est dans la croissance et l’imprudence. Voila que les américains, qui habitaient le continent de l’expansion infinie, découvrent la prudence et la stationnarité.
Caught in the oil