France : les paradoxes d'un pays en proie au doute (archive)

Publié le par evergreenstate

 

 
 


France : les paradoxes d'un pays en proie au doute
LE MONDE | 22.04.08 | 14h01  •  Mis à jour le 22.04.08 | 20h26

rôle de pays. La France de 2008, que dépeignent le secrétariat d'Etat chargé de la prospective et le Centre d'analyse stratégique (CAS) dans un état des lieux inédit, apparaît bien singulière. Ouverte à la mondialisation mais frileuse dès qu'il s'agit d'intégrer ses immigrés, économiquement dynamique mais pas suffisamment pour le développement de ses PME, douée pour former les scientifiques mais incapable de proposer un avenir à ses chercheurs, dotée d'un système de protection sociale cher et de moins en moins efficace...

 

 

La liste est longue de ses paradoxes. La France, on le sait, est le premier pays consommateur de psychotropes au monde. Elle présente un taux de décès par suicide particulièrement élevé (16,2 pour 100 000 personnes) par rapport à la moyenne de la zone euro (10 pour 100 000). Près de 10 % de sa population présente des signes de dépression. Les Français déclarent d'ailleurs moins de satisfactions dans la vie et de bonheur que leurs voisins. Pourtant, le taux de fécondité français est l'un des plus élevés des grands pays européens.

Les atouts français existent, et ils sont nombreux. Ce constat, positif, s'impose à la lecture des sept chapitres thématiques sur lesquels Eric Besson, secrétaire d'Etat chargé de la prospective, et les équipes du CAS ont travaillé. Insérée dans une Union européenne à vingt-sept - la première puissance économique du monde en 2006 -, produisant à cette date 4,7 % du produit intérieur brut (PIB) mondial, la France est le cinquième exportateur de marchandises du monde depuis les années 1970. Elle verra, certes, baisser sa contribution à la croissance mondiale à l'horizon 2020, mais dans des proportions qui n'ont rien de catastrophique. Il faudra probablement encore plusieurs dizaines d'années de forte croissance dans les pays émergents pour que ceux-ci soient en mesure de rattraper le niveau de vie des vieux pays développés. Il n'y a donc pas péril en la demeure.

Riche de grands groupes internationalisés aux bonnes performances, la France, troisième au monde en termes de stocks et de flux d'investissements directs à l'étranger, est résolument ouverte à la mondialisation. En témoignent le taux d'ouverture de son économie (environ 25 % du PIB) et la progression sensible de ses expatriés. Resté stable jusqu'au début des années 1990, le nombre de Français immatriculés à l'étranger (1,37 million au 31 décembre 2006) a progressé de 6,2 % par an en moyenne entre 2001 et 2005. Parmi eux figure une proportion élevée de ces chercheurs en sciences que l'enseignement supérieur français, malgré ses difficultés, continue de mettre sur le marché, mais sans savoir leur inventer un futur.

Car, et c'est là le deuxième enseignement fort des travaux conduits par M. Besson, la France ne sait pas toujours exploiter les cartes dont elle dispose. Signe de ces difficultés, elle exporte beaucoup moins que l'Allemagne vers les quatre marchés des "BRIC" (Brésil, Russie, Inde, Chine). Ses PME peinent à se développer. Ses jeunes, ses seniors et une part non négligeable de ses immigrés demeurent en difficulté sur le marché du travail. Les débutants, peu ou pas qualifiés, restent très exposés aux variations de la conjoncture, malgré plus de trente ans de politique de l'emploi, de stages et de contrats aidés en tout genre. S'il dispose de scientifiques de haut niveau et possède des atouts dans certaines technologies de pointe, tels les nanomatériaux en matière d'imagerie médicale, de cosmétiques et de matériaux pour l'électronique (hors silicium), notre pays a vu, ces dernières années, sa position relative reculer dans la recherche et le développement (R & D).

Dans certains cas, les retards français, patents, reflètent moins une compétition internationale accrue qu'une difficulté interne à évoluer. C'est vrai dans l'enseignement, où toutes les études montrent un net recul des performances françaises depuis le début des années 1990 en lecture, écriture ou mathématiques. C'est aussi vrai dans tout ce qui touche aux finances publiques ou au lien social.

La France ne sait plus faire fonctionner son ascenseur social. Bien qu'elle soit un des pays de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) de premier plan pour le poids de ses dépenses publiques sociales (29,8 % du PIB), devant la Suède et l'Allemagne, certains risques sociaux y sont peu ou mal couverts. D'autres pourraient être mieux anticipés : deux Français sur dix ont actuellement plus de 60 ans. Ils seront trois sur dix en 2025. Le vieillissement marqué de la population va peser sur les dépenses de retraite et de santé, mais il constitue aussi une opportunité en termes d'emplois. A condition, bien sûr, et c'est la conviction de M. Besson, que le pays sache se mettre en mouvement.


Claire Guélaud

RÉFÉRENCES

 

HUIT GROUPES DE TRAVAIL.

Présidés respectivement par Lionel Zinsou, Gilbert Cette, Antoine Petit, Jean-Paul Fitoussi, François Ewald, Jean Bergougnoux, Rose-Marie Van Lerberghe et François d'Aubert, ils plancheront sur les thèmes suivants : mondialisation ; production et emploi ; création, recherche et innovation ; vivre ensemble ; risques et protection ; ressources rares ; Etat et services publics ; technologie et vie quotidienne.

 

 

UNE COMMISSION PLÉNIÈRE DE 59 MEMBRES.

Elle se réunira quatre à cinq fois d'ici la fin de l'année. Elle est constituée de parlementaires, tels le communiste Jean-Pierre Brard et l'UMP Joël Bourdin, de partenaires sociaux, dont Jacques Creyssel (Medef) et Jean-Christophe Le Duigou (CGT), d'experts comme Jacques Delors, et de hauts fonctionnaires.

 



Article paru dans l'édition du 23.04.08

Publié dans société

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